Georges
Guillain
encore
un jour sans Rimbaud
1
j’ai
fait le plein de fête triste à la table des grands
sensibles.
ou
qui avaient de belles mains
même
attentives
carnassières.
dehors
mais
c’était dur de s’en sortir
je
me suis enfoncé dans mes poches.
comme
j’ai pu.
*
dehors
c’était
un grand colombarium de phrases mortes dans des
livres.
des
voix passaient en étalage
affairées
d’autre chose.
l’haleine
un peu salie d’aliments maigres.
2
parler.
il
a fallu.
de
quelque chose.
moi
j’ai
dit les oiseaux.
manière
de cacher mes bras d’épouvantail.
les
corbeaux ont bien ri.
*
mais
l’absence d’humour du rat finalement pendu par les
pattes
arrière à côté de la chaise du président –
délicatesse
en fait plutôt vaine - m’a ému.
sans
doute lui aussi rongeait son frein.
ou
bien imaginait le pire.
*
les
autres n’ont rien vu.
heureusement.
des
bouches mal trouées.
j’aurais
pu voir un peu leur âme au fond.
un
bien grand mot.
puis
un peu gênant
l’espionnage.
3
vrai.
je
dois faire un peu peur.
j’arrive
à tant de douceur rêche.
*
bien
du mal à t’aimer.
à
faire un peu semblant quand même.
le
gang des belles âmes
féroces
attroupées
des
amicales écorcheuses.
*
cette
élégance.
ces
parfums.
ces
cuirs.
toute
l’épicerie soudain de leurs sourires.
vraiment
beaucoup d’amour dans ces distributeurs.
*
j’évite
de
rester coller à la machine
d’être
avalé par la fente.
d’en
ressortir
à
chaque fois
en
petits jets d’un jus tiédasse.
*
tout
sucre.
ses
petits yeux comme un bonbon qui t’entortillent.
ses
grands mots ameutés d’un beau désintérêt vorace.
*
à
l’air
je
reprends goût quand même
ou
forme.
la
vie me remet bout à bout.
grammaire
approximative.
4
à
vif.
tout
un fracas de rues t’observe.
un
regard étréci
qui
fouille aussi là-bas
au
fond des encoignures.
*
épis
des yeux.
chaque
porte.
volets.
une
attention ballante
puis
d’un seul coup
mal
dégrossi
l’éclair
de faux
qui
te moissonne.
5
aujourd’hui
encore
une journée
à serrer
sans savoir des mains tapis d’indics.
ma
candeur autrefois.
puis
ce qu’on fait de moi les compagnons de chambre.
ces
javerts fourbes.
*
à
coups.
à
coups de plume et de gosier.
à
petits coups colères.
j’essaie.
on
m’a bien appris la douceur
la
complaisance
mais
redresser l’échine
et
urtiquer
se
démêler du paysage
pas
ça.
6
la
grosse tête d’une idée parfois
fait
son apparition.
bien
fait ! ! !
ne
pas t’accoutumer à ce troupeau qui te méprise
de
faux humains décapités.
*
je
ne sais rien.
je
n’ai pas assez de dégoût
de
répugnance.
trop
de bons sentiments encore
d’un
jus marron qui dégouline.
7
au
matin
je
déroule ma peau
l’agite
un peu dans la lumière.
vite.
après
j’entre dans le sac.
je
n’examine rien.
n’espère
rien.
c’est
faux.
je
me protège.
8
oui
difficile.
oh !
oui c’est difficile.
s’en
tirer comme ça quand on a dérangé les quilles.
se
séparer des autres.
puis
débarquer.
chez
soi.
même
plus par surprise.
9
grande
cristallerie des mots .
tintement
des idées.
qu’on
rince chaque soir en pleurant dans sa tête.
le
silence parfois comme un gros torchon sale.
tissus.
vieux
draps.
coton.
papier.
ma
tête.
à
trop frotter dessus
c’est
la fatigue qui s’abîme.
c’est
toujours elle.
au
fond.
***
ÓGeorges Guillain