Dimitri T. Analis est un écrivain et un poète, né en Grèce, qui a choisi le français
comme langue d’écriture. Il a traduit en langue grecque des livres d’Yves
Bonnefoy, d’Adonis et de Julien Gracq. Il est également le traducteur du
théâtre d’Eschyle et de L’Apocalypse de
Jean l’évangéliste. HOMMES DE L’AUTRE RIVE a paru aux éditions
Obsidiane en 2002. Composé de neuf
ensembles HOMMES DE L’AUTRE RIVE est un long poème, une quête qui nous
entraîne sur de possibles rivages éloignés d’îles grecques. Là errent, fidèles, des figures emblématiques des
racines de notre culture. Ce sont
peut-être eux, ces hommes de l’autre rive, qui intriguent et
interrogent par leur présences le poète. Les quatre poèmes
ci-dessous sont extraits du livre. Hommes de l’autre
rive Éditions Obsidiane 2002 N°ISBN :2-911914-50-3
Dimitri T. Analis
Hommes de l’autre rive - Dimitri T. Analis
Éditions Obsidiane 2002
N°ISBN :2-911914-50-3
(Extraits)
◊
Avec le
vent bruissant au loin sur la mer
Et les
eaux glauques aux courants profonds
Leur
regard se creuse d'un vide qui se répand
Jusqu'à
l'horizon, aux limites de la lumière.
Dans le
ciel assombri s'ouvre une brèche
Et la clarté s'immobilise aux
confins du jour
Ce qui pourrait changer c'est le
regard.
Parmi
les dunes de sable, au-delà du rivage,
Les
mêmes visages ont toujours fait naufrage
– Tous
les absents et tous les morts, réfraction –
Car
entre eux et nous sombre la mémoire.
Et
toutes ces eaux qui coulent aveuglantes
Ajoutent
à leur désarroi et le vent murmure
Qu'ils ne sont que prétextes
pour le temps.
◊
Ils se rapprochent,
ils sont là, ou bien
Est-ce
la providence qui se joue d'eux
Ou de
nous ? Cependant leurs formes avancent
Mais ils
refusent de n'être que mirage, apparence,
Le
reflet d'une image, une rêverie, une figure
Dans le
vide ou une représentation, ils désirent
Éloigner
toute chimère ou rêve, toute illusion
Ils
cherchent peut-être une caresse, un sourire.
Ils ne
quitteront pas cette grève L'autre rive,
La
nôtre, n'est pas pour eux, et nous
Nous ne
passerons jamais cette mer.
L'autre rive
est leur lot, ici notre destin.
S'ils
flottent, bougent, ondoient, c'est
Qu'ils
sont fidèles à leur mouvement
Ils ne
questionnent ni ne répondent.
Ce qui a
changé c'est notre regard.
Ils sont
langage inaltérable, intact, entier.
◊
Inchangés
ils réapparaissent à travers le temps,
Inaltérables,
la mort ne peut rien contre ceux
Dont le
regard a défié les dieux.
Ils
reviennent au bord du rivage
Dans la
même chaleur moite et douce
Des
reflets matinaux, ils se savent libres
Car ils
ne vivent pas dans la vraie solitude.
Ils ont
des compagnons de par le monde
Et ils
attendent l'éclaircie qui rendra
Leur
regard, leur visage, à jamais transparents.
S'ils
restent debout droits sur eux-mêmes
S'ils ne
se reposent jamais, c'est surtout
Pour
être battus par de hauts vents
Là où un
orage lumineux resplendit.
◊
Nous
sommes les hommes de l'autre rive
Enfermés
dans notre propre miroir
Le sable
du temps coule à travers nos doigts
Nous
n'avons pas voulu céder aux rêves
Pourtant
notre coeur leur était acquis.
La
rancune des fées, le dégoût des anges,
Le ciel
à jamais fermé, nous ont allaités
Nous
avons craché le sein maternel,
Rescapés
nous ne sommes pas les derniers.
Nous
vivons au crépuscule des terres
Notre
fin est notre but, toute naissance
A été
maudite, nous sommes les absents
Du désir
de la mère, morts-nés d'une image
Et les
mains qui nous ont caressés, vides.
©
Obsidiane – Dimitri T. ANALIS