Gérard  NOIRET

 

A l’occasion de cette 8ième saison du Printemps des Poètes  vous découvrez des poèmes de Gérard NOIRET qu’André Velter  qualifiait dans Poésie sur parole de Poète des Banlieues. De la ville à la banlieue les distances ne sont jamais très longues, les événements récents nous le rappellent. Même si Gérard Noiret est au-delà de ces classifications, sa poésie naît d’une double vision issue de l’observation des citadins et de sa pratique du théâtre. En effet, dans les poèmes de Gérard Noiret les personnages  rencontrés sont issus de notre quotidien et ont parfois les grandeurs de figures mythiques du  théâtre. De plus en plus dans le monde les êtres humains rejoignent les villes dans une sorte de transhumance urgente. C’est souvent dans les banlieues qu’ils demeurent –  à l’origine :  un lieu de bannissement – . Je vois dans cette poésie une acuité vive qui nous permet de considérer autrement les temps que nous vivons.

Les poèmes ci-dessous sont extraits de TAGS. Je vous propose sa lecture pour ce printemps de poètes dont le thème est Le chant des villes. TAGS est un  livre sur la  ville, sur ceux qui y vivent, et, ces derniers ne sont-ils pas les plus importants ?

Ce livre est paru chez Maurice Nadeau en 1994 (isbn 2-86231-121-9 )

 

 

TAGS (extraits)

 

 

 

 

                                                                                         TOURS

 

 

 

     Au cinquième Tu étouffes parmi les étages Et

cours aux fenêtres

 

     Maudire   Épaules dans le vide   Mais  aucune

faute aucun salut

 

     Ne justifie

 

     L’absurde qui défèque et déchaîne  Au même

instant les mêmes bruits

 

     Et la Lune

 

     Est aussi muette que le vent  Incapable de lire

sur nos lèvres

 

 

 

 

MÉTRO

 

 

 

     Une semaine  sans  argent  ni appui  Te voilà

N’importe  qui

 

     Ce clochard bras tendu

 

     Dans le veston fripé  il sourit Convaincu de

tenir encore par la selle

 

     Le vélo de son fils

 

     Tandis qu’au mur Des merles disputent Les

grappes racornies

 

     D’une vigne rousse

 

 

 

 

BERGES

 

 

 

     Les trains s’échappaient de Saint-Lazare

 

     Les voisins les pommiers semblaient Et le chat

Éternels

 

     À vélo nous allions   Jouer aux ricochets   Lan-

çant des mots sur la Seine

 

     Des rires tenus entre pouce et index  Comment

aurions-nous deviné

 

     Que  les poissons morts   Bientôt  seraient nos

emplois  Et qu’ils troubleraient

 

     Nos reflets

 

                      Avec leurs ventres blancs ?

 

 

 

 

L’ÉTERNITÉ

 

 

 

     On voit de gens tirés par des sacs  Lourds de

fruits  Des gens de peu

 

     Tels qu’on en trouve un lendemain  Conduits

à leur plus simple expression

 

     Par un fait divers  Passé dix-huit heures tout

se vide  À  commencer par les nuages

 

     Reste un gardien au parc municipal et « Comme

sortie d’un coquillage »

 

     La rumeur qui fuit Ailleurs que vers une gare

 

 

 

 

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     Passé la cabine où chacun de nous Fut Sera Un

danseur contenu

 

     Loin de la vie  Régressant  vers  un  silence  de

haut-fond

 

     Loin très loin de ça Un gamin crève L’arrosage

circulaire du gazon

 

     Il rit  et  s’émerveille de l’arc-en-ciel personnel

Puis recommence

 

Nu

 

                      Élégant

 

                        Potelé

 

                               Facilement lyrique

 

 

 

                                                                               Gérard Noiret - Extraits de TAGS - Éditions Maurice Nadeau