Cose Naturali

 

Paul-Louis Rossi

 

Éditions Unes

(avr. 1991) — 131 Pages
ISBN 287704033X –

ISBN-13 9782877040334

 

 

 

Avant propos

 

C’est la récente lecture D’Enquote de Yves Di Manno qui m’a permis de découvrir ce livre de Paul Louis Rossi COSE NATURALI  écrit en 1973 et réédité aux éditions Unes en 1991. Je remercie les éditions Unes et l’auteur qui ont permis que soient reproduits dans ce numéro, trois poèmes extraits du livre.
La sobriété des poèmes, due au recours d’une narration descriptive au plus près du sujet fait surgir chez le lecteur une vision de la vie distanciée de toutes préoccupations immédiates. En s’attachant à décrire ces natures mortes —  ces vies tranquilles —  , Paul Louis Rossi les reconsidère pour elle-même Objets, natures inanimées… et tente de saisir ce qui s’en échappe, Sens  ou  Sentiments des choses .  Il nous met ainsi à distance des valeurs de possession et d’accumulation que notre société prône à grande voix et il nous met en garde :

 

«… En ce temps où les murs et les façades de toutes les Cités se recouvrent des images et des objets de la plus grande possession, quand les ondes crépitent des messages qui nous invitent et pressent de les adorer ; « Fuyez la vanité. Oh ! fous »… »

 

Comme une halte salvatrice, un écart nécessaire ce livre me paraît salutaire à qui veut reconsidérer l’ordre des valeurs de notre monde.

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L’HOMME DISSIMULÉ

 

Le livre est composé en sept ensembles aux seins desquels, parmi tout ceux nommés   Natures Inanimées, Objets, Des Mots ou encore  Les Sens… celui titré L’Homme  occupe la partie centrale.

 

NATURE MORTE : CE MASQUE

 

Le projet, Paul Louis Rossi nous le dévoile dans un avant-propos intitulé  Vie tranquille, cette ancienne appellation des  Natures Mortes comme le sont également Vies Silencieuses  ou  Vies Coye . Il s’interroge

« sur ce qui nous retiens au bord de ce spectacle de la vie translucide comme devant un miroir qui ne nous reflète pas » et où d’ailleurs l’absence de l’homme prédomine.

Pour le poète, qui semble avoir eu de tout temps une passion pour les masques ces Natures Mortes  leurs sont identiques. Ces représentations, objets du quotidien : végétaux, fleurs, légumes, animaux, cadavres, tableaux de chasse… ne sont-elles pas des masques sous lesquels le visage de l’homme est promptement dissimulé ?

 

UN PROCÉDÉ

 

C’est par le biais d’un procédé d’écriture, la signification des tableaux n’étant pas évidente, que Paul Louis Rossi tente de percer le « mystère » de ces Natures Mortes. Prétexte pour interroger à la fois ce qui est et ce qui n’est pas ; ce qui est présent par l’ellipse ; ce qui avance masqué dans ces Vies Coyes, l’homme et son existence.

Par un retournement d’abord. Absents de ces vies singulièrement silencieuses   L’Homme  par l’ensemble

nommé ainsi est placé au centre de l’ouvrage.

Par un jeu de reflets, ensuite. Ces mouvements d’ombres, ces traces et empreintes que Paul Louis Rossi

saisit avec les mots, les phrases, les signifiants de ces petits opuscules – guides/grilles de lectures –  qui accompagnent le visiteur de musée à la découverte d’œuvres. En effet, les poèmes sont écrits à partir de ces sources. C’est avec ces descriptifs et par la seule possibilité d’agencement des mots sur la page, — à l’instar

de Blaise Cendrars avec Kodak – que le poète compose et utilise le langage comme un moyen d’investigation à la connaissance de ce que le regard observe mais que l’esprit n’entrevoit pas distinctement.

 

AVEC DES MOTS ou L’ILLUSION DE L’ÉLISION

 

Ainsi, à la manière d’un peintre qui peint des natures mortes, le Poète avec des mots énumère, nomme et décrit les possessions. Plus encore, il ordonne, il déplace, il agence les mots en poèmes aux formes singulières, dénué de lyrisme mais non de la passion. Il tente par ce jeu de miroitement d’éclairer pour mettre à jour, la nature de cette élision. Élision créée par la somme des accumulations des possessions humaines, cette illusion temporelle.

 

LES POÉSIES

 

Comme chaque tableau, les poèmes possèdent ici une forme qui leur est propre. C’est un plaisir, un sourire ici, un étonnement là qui me saisit parfois à la lecture de tel ou tel autre poème. Certains ainsi arrêtent ma lecture : — coupe de porcelaine -,- la brioche -,- la vue -,- aubépines -,- fleurs -,- bouquet -,…

Par le seul agencement des mots, la forme sur la page, les poèmes me touchent. Ils sont courts, ciselés, comme le reflet -net – d’une scène observée, un tableau supposé.

Mais d’autres poèmes – Ode à Sébastien Stoskopff -,- ancante – et armet, deux curieux mots…, — Grand silence -, et d’autres encore composants pour la plupart – LES SENS -, et – LE SENTIMENT DES CHOSES – sont différents. Les poèmes, plus larges sur la page, parsemés d’emprunts de citations étrangères sont imprégnés plus clairement de la voix du poète. Avec ces poèmes se différenciant  de ceux  précédemment cités, le poète « ce vivant » donne ici la mesure de sa présence avec force, celle du vers sur la page :

 

(car les cinq saveurs)

… vous n’entendrez que le battement/d’un cœur dont la cadence s’/ éternise et qui pourtant s’affole de s’en/tendre ainsi/résonner dans le/noir…/

 Ou

… Fous ! qui devez la vie saisir/non ce qui la nie/Car est folie de n’/  y/pas/songer…

 

De très beaux vers aussi dans (fuyez la vanité…) où la voix alerte lecteur et auteur aussi à vivre l’aujourd’hui.

 

«… Oh ! fous/l’esprit aussi se perd et même les mots/Mentent qui prétendent m’aimer et de cet ordre moquent/et m’étreignent et malgré moi/Me nomment Oh ! fol d’avoir pensé qu’ils pouvaient/me sauver/de la/destruction… «

 

OMBRES PORTÉES

 

Le livre s’achève par un vers, deux mots — Ombres portées -. Celles demeurées en nous même après la lecture de ce livre. Sans doute et malgré nous s’animeront-elles longtemps, le temps juste de notre finitude.

hm