Ruines-Mères 

Jean Pérol  

Le CHERCHE MIDI Éditeur                                                                                            

 

Ce quinzième  livre de poésie de Jean Pérol pourrait  être le lieu,    toute  construction avec le temps qui passe,  se délite vers l'ultime destinée. Ce livre semble être construit un mouvement de la fin d'une oeuvre musicale : en décrescendo. Il débute dans la profusion. Une tourmente de vers, des souffles de révoltes – vifs - sous la braise, presque perçus comme des menaces! L’orgueil humain contre l'inévitable  sort jeté à l'homme:

                            tu es quoi     l'homme est quoi  ce peu  que  tout ignore

                                ce  souffle négligé    cette vie qui s'oublie

Mais le livre s'achève dans la lenteur du geste calligraphique et la sérénité des haïku  japonais, poèmes ténus, ciselés, au bord de l'évanescent. Ce mouvement, qu'impose l'ensemble du livre, présent en filigrane dans grand nombre de poèmes, traduit des pertes successives, progressives et  inévitables. Ce délitement continuel auquel le principe même de la vie  nous contraint de notre naissance à notre mort. Oui, Ruine-Mère par sa forme et son mouvement  serait  l'allégorie de la  vie où  toute  chose est appelée à grandir, se battre puis se courber : vivre et s'effacer.

Magnifiques poèmes que ceux de l’ensemble « Vallée Profonde ». D'une sensualité, proche et émouvante, de corps vieillissants où sourd une sincérité que nous ressentons et qui nous entraîne  tout près, nous invitant à une fête des coeurs vrais

                nos regards  dans le silence n'ont

                                jamais de  couteaux.

Dans ces poèmes où les corps prennent  toutes places il n'est  pas question d'impudeur. Ce serait injure. Mais  d'un  partage, d'une floraison à  essaimer en d'autres lieux,  d'autres corps  pour:

          réentendre la plainte  qui écarte tant d'ombre.

hm