Je voulais grandir davantage

Emmanuel Hiriart

Éditions Éditinter           

 ISBN- 2-915228-81-7  

 4e Trim. 2005       13 €                                                                                                                                                                                                                                                                                                                             

 

 

On a du mal à se détacher du livre à l’issue de sa lecture. Déjà posé le livre persiste et réveille en nous comme une nostalgie passée. Ce chant à la fois si lointain et si proche d’une enfance toujours avide d’espérances nouvelles. Les livres d’Emmanuel Hiriart ont souvent des titres longs composés de vers qui les composent. Chacun d’entre eux pourrait être le début d’une histoire singulière. Après L’oiseau noir, le dieu mort et sa mère, Je voudrais grandir davantage poursuit la quête du poète pour répondre au désenchantement dont nous sommes l’objet à sortie de l’enfance, comme face à la question de l’existence de Dieu.

La poésie d’Emmanuel Hiriart nous entraîne vers l’enfance d’un monde où nous ne finissons pas de naître et de grandir. Dans le poème situé au milieu du livre et dont le titre est extrait, le poète souhaiterai « grandir davantage », « ne pas rester adulte » et « rompre enfin tous les enchantements » dans une vie écrit-il, qu’il est difficile « de prendre au sérieux. » Ce poème extrait de l’ensemble « Ceux qui partent sur la mer » me paraît empli de paradoxes. Car comment le comprendre ? Peut-être en interrogeant ce livre en tant que lieu-du-désenchantement. Dans ces pages Emmanuel Hiriart revient à son enfance. Il évoque la géométrie, sa lecture de Daniel Defoe et de Jules Vernes, le monde du cirque et l’arche de la création avec son cortège d’animaux et de questions, aux premières desquelles la question de l’existence Dieu. Serait-il poète le maître du verbe lorsque prit de doute – ce démon familier du poète -, il guide son Arche pour recommencer sa création ?

C’est « Le grand arbre », ensemble qui rassemble peut-être les plus beaux poèmes du livre, qui résout avec une tristesse légère ce qui est énoncé dans le premier ensemble du livre autour de la figure géométrique. Alors en une métaphore du poète et de l’homme, cet ensemble loue l’arbre et trouve en lui le moyen de grandir autrement « Devenir arborescent / Rompre enfin tous les enchantements ». Et sans doute n’est-ce pas un hasard si ce poème, central à bien des égards, est au milieu des quatre-vingt-seize pages du livre. Pour Emmanuel Hiriart le poème est l’avenir de l’homme « Je dis arbre, je pourrai dire homme, amour, mercure ou poème ». Au cours du livre le poète réitère avec force ce que l’homme, enfant d’alors et de toujours, espère et quête. On entendra dans cet ensemble,  – une résolution du vivre –  d’Emmanuel Hiriart, en de magnifiques poèmes qu’ici et là  bornent des vers qui ont valeur de flambeaux :

N’oublie pas / Entre l’arbre et ses rêves / Dans la simplicité végétale / Il n’y a rien.

Ces vers marquent clairement le signe du désenchantement du monde. Cette vacuité du monde dont seul le poète pourrait dépasser les funestes implications :

J’appelle arbres / ceux qui jamais ne renoncent / À la lumière.

Poètes et arbres confondus, Emmanuel Hiriart par cette figure en forme de proposition, résout l’énoncé de la problématique du vivre en grandissant toujours davantage dans une arborescence de poèmes, transformant ainsi l’état d’enfant et d’homme à celui de Poète.

hm