Autres territoires , Une anthologie

 

Henri Deluy

 

Edition farrago

 

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C’est sans doute par le texte d’Henri Deluy « l’autre chose , le revers », disposé à la fin du livre avec la délicatesse et l’hospitalité dont font preuve les hôtes, qu’il convient de commencer la lecture de cette anthologie - immédiatement contemporaine présentée par Henri Deluy comme « arbitraire comme les précédentes ». Il permet en quelques paragraphes et titres « Quelques constatations ; Une poésie post-formelle ?;.. » d’aborder la lecture de ces poèmes et proses poétiques, sous le regard éclairé de celui qui est à la fois Poète et témoin de l’évolution de la Poésie, en France et dans le monde, depuis plusieurs décennies. (Il dirige la revue Action Poétique). A propos de la - forme-poésie- il rappelle ce qui me paraît essentiel :

« …le poème, dans son organisation primordiale - le raccordement de vers à la mesure d’un rythme - ne fonctionne plus dans l’identité d’une forme. Plus de signes extérieurs d’appartenance (quand ils existent, et ce ne peut être que sur un mode complexe, la plupart d’entre nous sont devenus incapables de les voir). »

On est ainsi engagé à découvrir ces textes ( poèmes, proses, poèmes-proses, courts ou longs) qui se revendiquent comme écrits poétiques et dont une diversité de formes nous est proposée dans cette anthologie. A lire certains de ces poèmes, j’ai le sentiment qu’ils sont trop élaborés pour moi. Peut-être trop savamment agencés ? Trop complexes ? En tous cas inaccessibles à mon espace sensible. Ce sont parfois les signes qui m’interrogent. Ces singularités glissées dans l’écriture en ces ponctuations ou caractères en lieu inhabituels et qui donnent à ces poèmes, sous ma lecture, les allures d’une rhétorique s’adressant plus à des initiés qu’au lecteur lambda que je suis. Lecteur tentant de jouir d’un plaisir, volé ici ou là, à la beauté d’un poème, d’un vers, d’une rythmique ou de la surprise - soudain ! - d’une coupe inopinée. Je remarque que nombre de poètes écrivent autour de l’écriture. Certains creusent le langage et son articulation.(Patrice Luchet) ; d’autres interrogent la Poésie dans un ressassement de son mot, peut-être en quête, d’un rythme et de son harmonique ? (Frank Smith) ou encore méditent sur les voies de l’écriture ( Virginie Lalucq). Nommer les mots « vers », « poème », « poésie »… ; Nommer « l’écrire », la manière de le faire ou d’y réussir ; Nommer les mots de la poésie comme pour mieux atteindre l’acte et sa réalité ; Exprimer – son désir d’écrire – au plus près et dire ce qui pousse le Poète ou l’Ecrivain dans leurs tâches, n’est pas toujours la

manière la plus apte pour atteindre son but : ici, transmettre du sensible. Notre désir de poésie est d’abord un désir. Désir d’un corps singulier à être, à exister et dont l’écriture est la fois le moyen et le viatique. Et l’objet du désir, son horizon, vaut sans doute plus que le moyen de l’atteindre. Mais c’est vrai qu’il peut se confondre avec lui et est parfois un passage obligé. Peut-être existe-il ici là, - un acte manqué - du Poète lorsqu’il parle de son « écriture » au lieu de « l’horizon de son écriture ». « Exprimer – son désir d’écrire – au plus près » n’est pas exactement « Exprimer -son désir -, d’écrire au plus près (de lui, de soi ) ». Les beaux poèmes de Florence Pazzottu réunissent à ma lecture, des vertus qui se mêlent et me touchent. Celle de la forme (rythme) et du contenu (présence de l’Être dans le poème ). Une alchimie non quantifiable, mais si intimement dosée. Ce qui pourrait être l’unité de cette anthologie, c’est la diversité de la forme des poèmes et ce – désir - , qu’on en commun tous ces poètes , d’écrire. Singularité de la forme du texte, singularité de l’Être, de son histoire, de sa vie. La forme serait

alors ce - rythme compté – rendu à la lecture d’un poème ou d’un texte. Rythme intérieur et réel de notre corps vivant. Ce chrono intime qui bat en soi. J’ai particulièrement apprécié, pour des raisons différentes, les poèmes de Virginie Lalucq, Christophe Lamiot, Sophie Loizeau, Valérie Rouzeau, Eric Sautou, Isabelle Zribi ... Mais il faut lire. Lire absolument ces poèmes, ces proses, pour sentir se dessiner en soi le territoire de cette géographie poétique – immédiatement - contemporaine.

hm