Un grain de pavot sous la langue

 

Benoît Damon

 

Editions L’ARPENTEUR

12 € 90  

 

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Ce livre rassemble des ensembles de poèmes en prose et en vers. Au cours des pages, les ensembles alternent régulièrement du début à la fin du livre. Et comment comprendre cet ensemble en vers, intitulé « L’oubli des formes », sans y déceler la volonté du poète de marcher vers son écriture intime, dans ce balancement en un rythme, l’autre. C’est une langue alerte, vive, qui anime les proses. Langue nourrie de métaphores, d’allégories même, usant de la beauté des mots avec ce souhait d’une révélation possible. Langue prose comme un appel, où le maniement de l’ellipse, éclipse parfois toute matérialité d’un lieu, d’un être ou d’un visage. Dans cette langue là, peu d’appui vocables pour me retenir au réel de la vie. Lorsque parfois il se présente ce n’est que pour s’effacer aussitôt et faire place à une autre figure. Alors on soupçonne un lieu , on devine une présence, on suit des hypothèses. Ces poèmes en proses sont esquisses d’êtres, de lieux, où parfois des ombres apparaissent et se glissent. Il y a dans cette écriture, l’intime difficulté à débroussailler un chemin et faire de son écriture l’émissaire de son être. C’est bien là la tâche d’un poète. Et assurément, dans cette alternance entre deux formes, l’écriture émerge. Je préfère pour ma part les poèmes en vers. Notamment, « L’oubli des formes », ce bel ensemble où l’on ressent la quête d’inspiration du poète et où perce en filigrane la crainte de dépossession du feu sacré de l’écriture, ce grain de pavot sous la langue que l’on mâche en vivant.

 

Prends ton mal en patience

Attends que le poème, lourd de silence,

dépose en toi sa part d’ombre et de lumière.

Ne méprise pas ses balbutiements :

apporte-lui beaucoup plus que

ce pauvre amour des mots –

et peut-être finira-t-il par te reconnaître

avant d’expirer sur la page.

 

Un bel ensemble de sept poèmes, aux vers courts, maîtrisés. L’ensemble encore « Les pas dans la neige » en revient à cette question de l’écriture - qui préoccupe -. Ici, la pensée, la réflexion influencent la poésie au détriment d’une poésie du ressenti, de l’intuition et de l’instant, que l’on retrouve dans les poèmes en vers. Mais pourquoi choisir une forme plus qu’une autre, lorsque ce balancement, de l’une à l’autre, comme des pas, justement, font avancer vers soi.

hm