La Brûlure

Jacques ANCET

Editions Lettres Vives

Collection Terre de Poésie

 

 

  

Dans la volubilité de sa langue - la profusion de la parole poétique- Jacques Ancet

cherche les lieux où naît le souffle de son écriture et d’où sourd cette énergie vitale

qui nourrit de passion la Poésie. Dans les premiers poèmes il me paraît errer,

poursuivant l’horizon de sa voix. Il s’appuie pour cela sur un rythme qu’il maintient

tout au cours du livre - Celui d’une voix qui dicterait ?-.

« Je ne sais plus / parler et je parle quand même je parle / de cette voix que je ne reconnais pas :

elle vient d’ici d’ailleurs du plus profond / du plus léger… »

Une voix intérieure qui le guide et l’entraîne. Et qui possède en elle tous les signes

emmêlés d’une raison tangible. Hélas indéchiffrable ! Mais qui porte et qui brûle !

Ce n’est qu’après le premier tiers du livre que l’écriture, comme par incantations

répétées ou psalmodies auxquelles le rythme donne naissance, peu à peu à ma

lecture, s’ordonne et m’acquiert à sa cohérence en laissant filtrer ses signifiances

sous ses signes. Ce qui justement brûle. Ce feu de vie qui dans la métamorphose de

sa quête traverse, dans les vers des poèmes, plusieurs figures : amour , inspiration,

écriture, désir, enfance,…

« / et s’il faut que je répète tu me brûles / c’est que je ne sais pas dire cette chose / un matin ou une

épine qui s’enfonce / ou peut-être les deux c’est comme trop d’air / … »

« …mais son coupé n’est pas silence tout juste / absence de bruit car dire et répéter / le silence n’est

pas le faire poètes/ aphones célébrants du culte du blanc / ô Saint Stéphane lavez pour nous un coup

/ de dés et votre page sera plus blanche /… »

Les blancs qui aèrent certaines écritures poétiques sont peut-être équivalents dans

leurs nécessités à la fulgurance et l’exubérance d’une langue exacerbée. Car, en

quoi la difficulté à dire d’une écriture, qui se traduirait par des blancs dans le

texte, ne serait-elle pas similaire, à celle qui tenterait de saisir dès son souffle la

faconde d’une langue poétique ? La prodigalité ou la parcimonie d’une écriture ne

serait alors que les moyens similaires dont usent les poètes pour éclaircir de mots

l’ombre de leurs pas. Ecrire ? Pour dire la beauté ? Pour contrer l’irrémédiable ?

Pour éclairer sa propre figure ?

« comme ce visage de moi qui m’attend /chaque jour et qui ressemble à mon attente / mais mon vrai

visage l’ai-je jamais vu / ai-je jamais vu ce que j’appelle moi /… »

Ecrire est une quête tournée dans toutes directions !

« comment dire le tout du monde et rien d’autre/… »

Pour Jacques Ancet écrire c’est alors arracher à la vie, la transcendance de

moments vécus. Instants parfois brefs et qui portent - soudain !- au zénith ce

ressenti du vivre : cette brûlure. Jacques Ancet y réussit. Dans ce poème –quatorze notamment

où il arrache, dans la clarté de ses vers, la transcendance poétique

d’une vision réelle qui se métamorphose dans son écriture et sous notre regard.

hm